The heart wants what is wants (Kit Cat)

Bien qu’il ne dormait pas beaucoup en tant normal, Indy s’était levé encore plus tôt ce matin- là. Il ne travaillait qu’à partir du début d'après- midi et cela l’embêtait bien, pour une fois qu’il était frais et dispo tôt. L’envie de partir plus tôt, tout ouvrir et rester à travailler jusqu’à ce que les autres arrivent était fortement tentante, c’était d’ailleurs même l’idée qu’il entreprit de faire à peine les neuf heures du matin passées. Il détestait rester à la maison sans rien faire. La télévision, mis à part les documentaires scientifiques ou même artistiques, très peu pour lui, il voulait être actif et concret, faire marcher son gros cerveau d’astrophysicien et non pas l’éteindre.
Sûr de lui, et comme il décidait également, il se hâta de sortir une fois préparé. Il faisait froid mais à l’extérieur, le soleil était au rendez-vous. Il avait sorti une veste en simili-cuir vert kaki qui allait à merveille avec son pantalon beige, à l’occasion et, comme il s’apprêtait à travailler, avait posé ses lunettes sur le nez. Il n’était pas spécialement reconnaissable ainsi mais c’était plus pour faire sérieux et être un type comme les autres qu’il avait enfilé cette tenue. Il n’était pas des plus à l’aise avec mais ça allait encore. Et puis, d’une certaine manière, c’était sa façon de rendre hommage au cadeau d’anniversaire que lui avait offert sa mère, qui en avait marre de le voir accoutré de la même manière la plupart du temps. Légèrement astigmate, les lunettes lui servaient uniquement pour le confort, il pouvait très bien s’en passer mais tout était plus net avec.
Une sacoche sur son épaule, il était sorti dans le but de se rendre au boulot… à pieds. Flemme d’appeler un taxi et aucune envie de se farcir les transports en commun. Depuis le temps que Indy vivait à Londres, il connaissait de nombreuses rues par coeur, et savait très bien se rendre sur son lieu de travail par lui-même. Toutefois, cela faisait un moment qu’il ne l’avait pas fait, si bien qu’il découvrait les rues d’une nouvelle manière. Depuis quand était présente cette épicerie? Tiens, une boutique de souvenirs. Et, oh… un salon de thé? Le presque quarantenaire se posta devant, intrigué, mais toujours avec un calme olympien. Il redécouvrait les environs comme un enfant dans une attraction et était assez curieux pour le coup, se promettant ainsi de jeter un oeil à toutes ces nouveautés histoire de savoir ce qui l’entourait. Cela était également assez révélateur du temps qu’il ne mettait pas pour se promener et faire autre chose que travailler ou se rendre à des rendez-vous bien précis, dans un lieu précis et où il n’avait pas à se casser la tête. Là, il avait le temps. Là, il pouvait se permettre de tout bien étudier, tout bien essayer aussi. Enfin, pas totalement, mais presque.
Dieu seul pouvait savoir ce qui l’amena à entrer à l’intérieur du salon de thé en question. Tout avait pourtant été fait pour qu’il se rende sur son lieu de travail sans broncher, comme à son habitude. Mais ce jour-là, il décida de faire les choses autrement. Et comme à chaque fois que ça arrivait, le destin lui réservait la plupart du temps une sorte d’imprévu, de bouleversement. Il aurait pourtant dû retenir la leçon la dernière fois, mais parfois, il se disait que sa vie n’était pas assez remuée ainsi et qu’il avait besoin de nouveauté. De faire un truc foufou, en quelque sorte qui suffirait à combler sa dose de dingueries pour la semaine, voir même pour le mois.

Lorsqu’il entra à l’intérieur, il se rendit compte qu’il était le seul client. La boutique devait être ouverte depuis peu ce jour là, ou Dieu seul sait pourquoi, mais il n’y avait personne. Personne, mis à part une demoiselle présente derrière un comptoir et qui, visiblement, n’attendait que lui. Enfin, pas lui en particulier, mais un client plus globalement.
Derrière la vitrine de gâteaux, il la toisa du regard.  Il baissa de temps à autre les yeux vers les gâteaux avant de les relever vers elle pour bien observer à qui il avait à faire. Le moment le plus révelant fut lorsqu’il s’avança jusqu’à la caisse pour commander. Il n’y avait plus de vitrine pour l’empêcher de la voir. Elle était devant elle, en chair et en os, aussi claire et précise que la lune une fois qu’il l’observait dans son télescope hors de prix.

“Bonjour, je vais vous prendre une part de pudding aux raisins secs et un EarlGrey s’il vous plait” finit-il par décider après un silence pesant.

Son regard toujours rivé sur elle ne se demandait pas encore la raison pour laquelle il l’observait de manière aussi insistante. L’avait-il déjà vue une fois? Impossible, il s’en serait souvenu. Mais, pourquoi?

L'ambiance ici lui plaisait. Rien que l'odeur qui lui venait jusqu'aux narines avaient en soi une importance pour pouvoir apprécier l'endroit. Aussitôt, le scientifique éprouva le regret de ne pas porter plus d’importance que cela au monde qui l’entourait. Sa tête était bien trop dans les étoiles, littéralement, pour que, lorsqu’il rentre chez lui, il ne s'intéresse vaguement à ce qu’il y avait par chez lui. Il avait tellement peu de temps à accorder à cela, selon lui, qu’au final, il loupait pas mal de choses intéressantes. En vérité, le temps, il l’avait, il ne le prenait simplement pas, préférant s’occuper la tête dans des choses qui pouvaient tout de même passer après. Il comprit également que là où il se trouvait, ce n’était pas simplement un petit salon de thé de pacotille, mais également un endroit pour lire des livres. Peut-être même en acheter? A vrai dire, il était totalement étranger au concept. Il n’avait même pas lu ce qu’il y aurait ou non d’affiché à l’entrée, il était entré comme un bourrin, curieux et avec l’envie de découvrir par lui-même ce que tout ceci lui réservait. Peut-être allait-il en avoir un mauvais souvenir? Peut être n’y retournera-t-il plus jamais? Mais cela valait la peine d’essayer. Simplement parce que là, le temps, il l’avait et qu’il n’arrivait pas à se trouver d’excuse pour faire autre chose.
Et puis, il y avait la jeune personne derrière le comptoir présente pour servir. Lorsqu’il y avait finalement prêté attention, il l’avait examiné à travers la vitre à gâteaux et comme c’était la première fois de sa vie qu’il la voyait, il l’avait observé attentivement, en faisant en sorte de ne pas passer pour un pervers ou ce genre de chose. Juste, analyser à qui il avait à faire et quel était le potentiel rapport qu’il pourrait avoir avec elle. Pas en terme de relationnel, non, mais en terme de bonne ou mauvaise entente. Il ne connaissait rien d’elle, absolument rien d’elle. Mais elle dégageait quelque chose qui ne lui déplaisait pas et qui changeait des pauvres employées dans ce genre de commerce en général qui suivait un protocole et qui avait, à ses yeux, quelque chose de beaucoup trop faux, simplement pour dorloter les gens et leur faire croire qu’elles (ou ils) s’intéressaient à eux. Là, c’était… un poil différent. Enfin, elle était là évidemment pour qu’il passe un agréable moment, du moins, c’était ce dont il doutait, mais elle ne possédait pas cette impression de “faux” qu’il n’appréciait guère. Elle avait beau lui sourire histoire de paraître agréable, il savait qu’elle n’allait pas tenir très longtemps dans ce rôle s’il commençait à devenir particulièrement chiant. Peut être se trompait-il, après tout, il ne faisait que la voir pour la première fois et seulement trois minutes environ s’étaient écoulées depuis qu’il était entré. Mais c’était l’impression qu’elle lui donnait, là, maintenant, de suite.
Lorsqu’elle prit en compte sa commande et lui demanda si c’était à consommer sur place ou à emporter puis s’il aura besoin d’autre chose, il pencha vaguement le regard sur le côté, comme si on lui tendait une question piège, un truc comme ça. Puis, les yeux légèrement plissés, il se pencha sur le comptoir et il lui demanda :

"Mmmh, ça dépend, est ce que votre numéro fait partie des choses qu’on peut commander?”

Il arqua un sourcil en attendant sa réponse. Puis un sourire traça son visage. Il n’avait absolument pas l’habitude de faire ça, c’était d’ailleurs une grande première. Mais il avait trouvé l’occasion bien trop parfaite pour pouvoir ne pas la saisir et surtout, il voulait voir jusqu’à où il pouvait la déconcerter. S’il ne l’obtenait pas, au final, ça n’était pas bien grave, il n’était pas venu là pour draguer qui que ce soit et d’ailleurs, il ne la connaissait même pas. Mais, il l’avait fait. Et ça, c’était quelque chose à marquer dans l’histoire de l’humanité tant ça tenait du miracle.